[Fiche 2] Le sens et la place du télétravail dans la fonction publique

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[Fiche 2] Le sens et la place du télétravail dans la fonction publique

Références réglementaires

« L’accord du 13/07/2021 – Le sens et la place du télétravail dans la fonction publique

Les signataires de l’accord reconnaissent qu’il est nécessaire de prendre en compte les aspirations d’un plus grand nombre d’agent·e·s publics souhaitant exercer une partie de leurs fonctions en télétravail et de considérer le télétravail comme un mode d’organisation parmi d’autres dans le cadre de l’accomplissement des missions de service public. Un certain nombre d’employeurs ont déjà fait évoluer leurs organisations en intégrant les implications du télétravail. Il convient d’approfondir l’analyse des impacts du télétravail, d’en identifier les conditions et d’en maîtriser les risques pour qu’il trouve sa place au bénéfice des agent·e·s, du collectif de travail et du service public. Poursuivre une réflexion collective sur le sens et la place du télétravail dans la fonction publique est désormais indispensable au regard de la nature des activités exercées et de la prise en compte de la diversité des organisations. Cette réflexion doit notamment permettre de prendre en compte les sujets suivants :

L’éligibilité au télétravail se détermine par les activités exercées, et non par les postes occupés, ce qui nécessite une réflexion sur l’organisation du travail et sur la nature des missions exercées.

Les modalités de mise en œuvre du télétravail peuvent varier selon les missions exercées et la diversité des employeurs. Il est tenu compte de l’environnement territorial et des spécificités d’organisation des collectifs de travail des administrations centrales, des services de l’État déconcentrés, établissements publics, hôpitaux ou collectivités territoriales.

Toute nouvelle organisation de travail incluant du télétravail doit être mise en œuvre dans le cadre d’un dialogue social de proximité, incluant une réflexion approfondie sur l’organisation des temps, l’organisation du collectif de travail et les droits et obligations de chacun (employeur et agent·e·s) ;

L’articulation entre présentiel et télétravail est un point clé en fonction de la nature des activités exercées et de l’organisation des services.

L’attention à la préservation des collectifs de travail revêt une importance particulière compte tenu des missions du service du public. L’enjeu de l’amélioration de la cohésion sociale interne en est ainsi renforcé. Le télétravail est une modalité de l’organisation au sein d’un collectif de travail : il est un outil facilitateur parmi d’autres mis à disposition des agent·es par les employeurs publics pour l’exercice de leur mission de service public à distance.

Le télétravail doit s’intégrer dans les processus décisionnels et reposer sur certaines conditions matérielles de succès relevant de l’employeur (équipement en informatique notamment, accès à distance aux applications métier, réseaux, formation …).

La mise en place et le suivi du télétravail doivent s’appuyer sur le dialogue professionnel et sur un dialogue social de proximité soutenu au sein des instances consultatives compétentes.

Le télétravailleur est soumis aux mêmes obligations générales et dispose des mêmes droits que l’agent·e qui exécute son travail dans les locaux de l’employeur : droit à la déconnexion, accès aux informations syndicales, participation aux élections professionnelles, accès à la formation, information et accès aux aides sociales pour bénéficier de conditions de travail et d’équipements adaptés. Il ou elle doit en outre bénéficier des mêmes entretiens professionnels avec sa hiérarchie, des mêmes mesures d’évaluation, de reconnaissance de son parcours professionnel etc. Le télétravail doit respecter l’égalité de traitement des agent·e·s en matière de promotion.

Dans cette perspective et par le présent accord, les signataires fixent les conditions permettant le recours au télétravail au regard des enjeux suivants :

l’attractivité du secteur public : le télétravail peut contribuer à rendre le service public plus attractif, si ses conditions de mise en œuvre favorisent l’amélioration de qualité de vie et des conditions de travail et l’autonomie des agent·e·s, et préservent l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle ;

l’impact environnemental : le télétravail peut avoir un impact globalement positif sur l’environnement lorsqu’il permet de réduire les déplacements et n’engendre pas d’autres consommations énergétiques pouvant être supérieures (consommation énergétique des outils numériques, chauffage accru des lieux de télétravail, etc.). Ces questions sont largement documentées dans les rapports de l’ADEME ;

l’impact territorial : le télétravail peut participer d’un meilleur équilibre entre les territoires en offrant des conditions d’accueil optimales au sein, par exemple, de tiers-lieux. Cette dimension territoriale doit inciter les employeurs publics à se coordonner afin de développer une approche mutualisée des besoins liés à la mise en œuvre du télétravail ;

l’impact éventuel du télétravail sur l’organisation et l’aménagement des locaux doit recueillir l’avis préalable des instances de dialogue social compétentes.

Points de vigilance pour la négociation

Le télétravail, dans le secteur public comme dans le privé, répond à une aspiration croissante du salariat. Mais sa mise en œuvre doit se faire de manière équitable pour tous les agent·e·s et sans dévoyer les missions de service public. Compte-tenu de la diversité des employeurs publics dans les trois versants la fonction publique, il y a un risque de forte hétérogénéité sur l’appréciation du sens et de la place du télétravail. Cette diversité pourrait conduire à des inégalités de traitement entre les agent·es et une application diverse du droit.

• La phase d’identification des postes éligibles au télétravail est une occasion d’effectuer un examen au plus fin des possibilités de recours au télétravail. Même certaines professions dont on imagine difficilement l’activité sous forme de télétravail, peuvent y être en réalité éligibles pour partie. Par exemple, un éducateur en structure d’hébergement dont le travail d’accompagnement direct du public est essentiel peut aussi avoir la possibilité d’un temps de télétravail dédié à la rédaction de rapports et notes éducatives qui font pleinement parties de ses missions. Il y a donc nécessité d’aller au plus fin pour éviter que des agent·es volontaires pour le télétravail se trouvent exclus d’office d’un dispositif dont ils/elles auraient pu, ne serait-ce que ponctuellement, bénéficier.

• Ce travail syndical de repérage au plus près suppose, comme le réaffirme l’accord national, un dialogue social de proximité. Vus les délais envisagés par la plupart des employeurs publics qui souhaitent avancer à marche forcée sur ce sujet, on peut douter que l’ensemble des interlocuteurs dispose du temps nécessaire à une discussion posée et approfondie.

• L’accord national prévoit que les employeurs publics s’engagent dans les déclinaisons locales avant le 31 décembre 2021. Le risque est alors d’avoir des accords qui ne sont que des copier-coller sans amélioration de l’accord national. Les employeurs se limitent à deux ou trois réunions, notoirement insuffisantes pour boucler la réflexion. L’accord national évoque la nécessité d’engager les discussions avant le 31 décembre. Il ne stipule pas qu’elles doivent se conclure avant cette date. Même si l’intérêt bien compris des agent·e·s est de conclure rapidement pour sortir du flou juridiquement et apporter des garanties à tous et toutes, il convient peut-être de différer de quelques semaines pour conduire à son terme une réflexion engagée plutôt que de vouloir faire aboutir vaille que vaille un dispositif qui sera trop lacunaire pour être protecteur pour les agent·e·s.

• La question de l’articulation entre les agent·e·s qui sont sur leur lieu d’affectation et celles et ceux qui sont en télétravail est un point clef pour éviter les tensions et maintenir une bonne dynamique. Poser ensemble les circuits de décision, les modes de communication et les procédures est indispensable pour sécuriser les pratiques professionnelles de chacun, présent ou à distance.

• De même, il est indispensable que les conditions de l’équipement mis à disposition soient pensées de manière complète en amont du déploiement du télétravail. Faute de quoi, ce seront les agent·e·s qui devront essuyer les plâtres d’une désorganisation qui ne fera qu’alourdir leur charge de travail. Notons ainsi que d’après l’enquête DGAFP relative au premier confinement a montré que presque la moitié des agent·e·s placée en télétravail ne disposait que d’un matériel dégradé ou aucun matériel du tout.

• L’accord national réaffirme que les agent·e·s en télétravail bénéficient des mêmes droits et obligations que les agent·e·s exerçant sur leur lieu d’affectation, reprenant les termes de l’article 6 du décret 2016-151. Si cette réaffirmation est de nature à rassurer sur la volonté de cadrer certaines dérives, elle n’est pas suffisante pour garantir l’effectivité des droits des agent·e·s en télétravail. L’agent·e en télétravail est par nature éloigné·e du service, parfois isolé·e, et la défense de ses droits peut être plus malaisée que pour des agent·e·s présent·e·s sur leur lieu d’affectation. Cette situation spécifique de travail nécessite des moyens eux aussi spécifiques et adaptés pour faire en sorte que le droit commun s’applique dans les mêmes termes. Là encore, il faut aller dans les détails. Par exemple, comment l’agent·e en télétravail garde-t-il le lien avec son service ? Pas seulement pour retirer sa fiche de paie ou poser ses congés (ce qui est en soi important) mais aussi pour ne pas être laissé·e de côté lorsqu’une situation urgente se fait jour. Comment est-on au courant en même temps que les autres collègues ? Ceci n’est qu’un exemple sur la circulation de l’information mais pose des questions sur tous les droits de l’agent·e pour lesquels il convient à chaque fois de se demander s’ils sont effectifs dans la situation de télétravail. À défaut, il faut engager des moyens, mettre en place des organisations qui permettent de garantir l’effectivité des droits. En définitive, l’équivalence de droits et obligations des agent·es en télétravail, si elle va de soi sur le principe, ne s’impose pas spontanément et nécessite un travail pour devenir effective.

• L’accord national consacre un paragraphe entier sur les enjeux du télétravail. Certains peuvent servir d’aiguillons pour donner du sens au télétravail. On peut ainsi aisément partager les enjeux autour de l’attractivité, de l’impact environnemental ou territorial bien que chacun de ces trois thèmes puissent faire l’objet d’appréciations bien différentes suivant le point de vue adopté. L’accord national évoque aussi l’impact sur l’organisation et l’aménagement des locaux de travail. Cette dernière disposition appelle la vigilance car elle constitue à l’évidence un point d’appui pour les directions qui souhaiteraient profiter du déploiement du télétravail pour réduire les surfaces immobilières et « optimiser » les espaces de travail. C’est ce qui s’est largement produit dans le secteur privé. Les patrons y ont vu une aubaine pour supprimer des surfaces et se séparer de locaux au profit d’organisations dont on sait qu’elles sont nuisibles pour les salarié·e·s. Dans le public, il y a donc une vigilance accrue à avoir sur ces questions pour garantir le principe de réversibilité affirmé par la définition du télétravail qui doit permettre à tous les agent·e·s qui le souhaitent de pouvoir retrouver leur lieu d’affectation initial. À ce titre, nous notons l’obligation faite à l’employeur public de recueillir l’avis préalable à toute réorganisation des instances de dialogue social.

Ce qu’il reste à gagner

• Négocier un accord de méthode prévoyant des délais et des réunions en nombre suffisant pour épuiser l’ensemble des sujets de négociation.

• Prévoir des clauses de « revoyure » permettant de ne pas figer le périmètre de l’accord télétravail sur des points négatifs.

• Partager entre organisations de la CGT les accords négociés et signés pour qu’ils nourrissent la réflexion collective et constituent une base de référence à opposer aux employeurs les plus régressifs.

• Exiger des bilans de l’accord télétravail qui soient substantiels c’est-à-dire adossés à des indicateurs et des données recueillies qui permettent une appréciation réelle des conditions de mise en œuvre.

• Parler du télétravail, c’est parler du travail et du collectif de travail. La mise en œuvre du télétravail peut être l’occasion de négocier sur d’autres points comme les temps de réunions communs, les temps de transmission entre services… Autant d’éléments qui garantissent la qualité du service public mais qui ont été rognés au gré des politiques d’austérité. Le télétravail peut être l’occasion de remettre sur le métier ces questions.

• De même, la réflexion du télétravail peut amener à mieux identifier et objectiver les besoins en effectifs nécessaires au bon fonctionnement du service. Une occasion à ne pas manquer pour peser localement à partir de données concrètes.

Cette page a été mise à jour le 1 février 2022

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